Drame familial à Neuville-aux-Bois : il était "tombé dans un délire anti-islam"
Sophie, la sœur aînée de l’auteur présumé de la tuerie de Neuville-aux-Bois, a accepté de raconter son frère. Pour « rétablir la vérité » sur sa personnalité. Et tenter d’apporter des réponses à l’inexplicable.RELIRE. (16/02/16) Drame familial à Neuville-aux-Bois : le mari a laissé deux écrits pour expliquer son geste
Un monstre. À l’horreur d’avoir perdu, le même jour, son frère, sa belle-sœur, son neveu et sa nièce, s’ajoute le poids, pour Sophie, de subir les sentences sans appel lues sur Internet ou entendues au café du commerce. Lundi, Rémy Taudin, 26 ans, a vraisemblablement égorgé sa femme et ses deux enfants de 10 mois et 6 ans. Avant de se suicider. Pour la vox populi – car tenter d’expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser – Rémy Taudin est un monstre. « Je sais bien que c’est Rémy qui a fait ça. Je ne comprends pas non plus. Oui, c’est un geste monstrueux… mais mon frère n’était pas comme ça », souffle sa sœur aînée, réveillée lundi, à 5 heures du matin, par les gendarmes lui annonçant l’impensable. Et ce n’est pas seulement une sœur aveuglée par l’amour qui décrit aujourd’hui un frère « adorable, souriant, le cœur sur la main ». Ce portrait, les amis, les voisins, les commerçants que le jeune père de famille fréquentait le confirment tous.
« J’emmène ma famille avec les anges »
Alors comment expliquer l’inexplicable et ce basculement soudain dans l’horreur ? « J’ai discuté avec ses amis et j’ai compris que depuis quelque temps, il était tombé dans un cercle vicieux, un délire anti-islam, raconte Sophie. Il en est devenu paranoïaque. Lundi, il m’a envoyé un message : il y avait un petit mot perso et puis il me disait que c’était la guerre en France. Que le gouvernement avait vendu la France à l’Islam. Il me disait : “On est en guerre, il faut s’armer”. » Un message qui ressemble à celui qu’il a posté sur Internet le même jour.
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Cette obsession lui aurait d’ailleurs fait perdre totalement le sommeil. « Apparemment, il était resté sans dormir ces trois derniers jours. Il restait à sa fenêtre la nuit, il pensait qu’il allait y avoir une attaque contre les blancs. La veille (ndlr : dimanche), il a dit à des amis : “Si c’est la guerre, j’emmène ma famille avec les anges”. »
Pour Sophie, c’est cette crainte délirante de voir femme et enfants tués ou réduits au rang d’esclaves qui lui aurait « retourné la tête ». « Je suis prise entre la colère et l’amour. S’il avait envie de mettre fin à sa vie, il n’avait pas le droit de me prendre ma belle-sœur, mon neveu, ma nièce. En même temps, dans son délire, j’ai l’impression qu’il a voulu protéger sa famille. »
En foyer à 12 ans
Plus jeune frère d’une famille de trois enfants, Rémy n’a pas d’antécédents psychiatriques mais « c’était un enfant hyper nerveux, intrépide, assez dur », décrit sa sœur âgée de 14 ans de plus que lui. Il grandit avec sa famille à Auxy, près de Beaune-la-Rolande. Turbulent, Rémy se découvre pyromane à l’adolescence. « Il a failli mettre le feu à deux maisons. » À 12 ans, il atterrit dans un foyer. Il en ressortira à 18 ans avec un CAP en boulangerie inachevé pour seul bagage. « Il s’est retrouvé à la rue. Quand Tatiana est tombée enceinte, il volait pour s’en sortir. » Le couple s’installe finalement rue Louis-Gurlie, à Neuville-aux-Bois, dans l’appartement laissé par Sophie, juste avant la naissance de Loan, en 2010.
Depuis Rémy vivait de petits boulots et espérait un jour faire de sa passion pour la mécanique moto son vrai métier.
Le couple « s’entendait bien », selon Sophie, et s’il y avait bien sûr des problèmes d’argent, « ils n’étaient pas pires aujourd’hui » qu’hier.
À ses yeux, l’hypothèse d’un crime passionnel ou motivé par la précarité dans laquelle vivait la famille ne tient pas. C’est plutôt dans la confusion mentale dans laquelle baignait son frère depuis les attentats qu’il faut chercher une explication à ce dramatique coup de folie.